En complément des deux billets précédents sous le même titre, voici quelques remarques destinées à faciliter la compréhension de nos propositions et à en confirmer l'intérêt, même à notre époque de communication.

L'ébauche d'étiquette-mère présentée dans le deuxième billet est spécifiquement destinée à faciliter l'établissement de relations constructives entre des personnes de cultures et de langues différentes. L'instrumentation à base de couleurs de jeux de carte, de panneaux de signalisation routière, de caractères spéciaux courants en informatique... n'est évidemment pas fortuite. Par ailleurs, le principe et l'instrumentation de l'étiquette sont conçus pour qu'un automate de traduction automatique soit performant.

Dans les interactions d'une conversation à objectif sous étiquette, les comportements des participants deviennent objectivement observables. Il devient plus facile de se comprendre, notamment du fait que les comportements "pathologiques" des participants relativement aux autres leur apparaissent nettement, aux uns et aux autres. Concernant les pathologies nocives au déroulement de la conversation elle-même, il est possible d'établir des règles de politesse et de cheminement permettant de les réduire, parce que tous les participants peuvent s'accorder a priori sur de telles règles. Par exemple : limitation à l'intérieur d'une tranche temporelle du nombre de références à une personne, un thème ou une proposition afin d'éviter les effets de harcèlement ou d'avalanche; limitation d'utilisation des couleurs majeures par chaque participant, afin d'éviter les montées aux extrèmes, etc.

Il serait amusant d'analyser les débats télévisés ou radiophoniques, en particulier les confrontations entre représentants de tendances politiques opposées, en les redéroulant artificiellement dans un cadre de conversation à objectif sous une étiquette générique proche de l'étiquette-mère proposée au billet (2). L'exercice révèlera certainement quelques pathologies grossières, aussi bien dans la définition de l'étiquette que dans le déroulement du débat. A la décharge des organisateurs, d'un point de vue purement technique, l'objectif de ces débats n'est jamais d'atteindre une position commune sur quoi que ce soit, mais de valoriser les protagonistes et les animateurs selon des critères d'effet médiatique. Autrement dit, ce sont des exercices de style presqu'entièrement au deuxième degré, à l'opposé des conversations à objectif au premier degré au sens où nous l'entendons dans le billet (1).

A titre de détente au troisième degré, posons-nous la question de l'intérêt relatif des ouvrages suivants en regard de nos propositions. Nous nous permettons de recommander le premier, il dit beaucoup en quinze pages.

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Comment discerner qu'une conversation à objectif reste au premier degré ? C'est impossible, aucun système ni aucune personne ne peut contrôler le sens des contenus échangés dans une conversation. En revanche, la convention d'un objectif commun et d'une étiquette d'interaction imposent un cadre de convergence peu propice à la poursuite d'exercices d'acrobatie mentale. A l'extrême, si les participants se mettaient d'accord sur une parodie d'objectif et d'étiquette, leur brillante communauté virtuelle ressemblerait tellement à une quelconque vraie société, que leur projet de moquerie se viderait de lui-même.

Quel peut-être le bon état d'esprit d'un protagoniste dans une conversation à objectif sous étiquette ? Nous avons fait allusion passagèrement à un profil de diplomate. A la réflexion, ce n'est pas le meilleur choix, malgré le prestige qui lui est attaché. En effet, le comportement du diplomate est alourdi de rituels de connivence élitiste et de maneuvres de convergence. Au contraire, notre bon participant ne cherche ni à assimiler les autres ni à s’assimiler aux autres. A l’inverse du diplomate, son intérêt bien compris est de renforcer chacun de ses correspondants dans sa particularité et son génie, et d’autant plus si la particularité et le génie de ces correspondants dépassent ses propres facultés, car il se nourrit des différences et l'étiquettte lui permet de se servir de l’opposition éventuelle. De plus, au contraire du diplomate qui fait excuser ses maladresses au prétexte de sa bonne motivation, le bon participant ne devrait jamais présenter ses motivations personnelles autrement qu'en conséquence de l'objectif commun. Le bon participant est une sorte d'arriviste intelligent pratiquant naturellement la réciprocité d'intérêt général.

C'est aussi pourquoi la modélisation générique du participant à quatre niveaux, même particularisée dans un contexte donné, doit rester générique, au sens où les contenus restent propres à chaque individu à chaque niveau, et inconnus des autres participants. Il est fondamental que le "quant à soi" de chaque participant ne soit jamais publié, mais qu'il puisse être exprimé par chaque participant en tant que de besoin et compris en tant que tel par les autres. En revanche, si le type de conversation et l'objectif imposent la connaissance partagée d'informations individuelles, dans la phase d'élaboration de l'étiquette, on pourra cataloguer ces éléments de "trésors" individuels strictement sélectionnés comme des thèmes de discussion mis en commun. Le modèle générique du participant ne prétend pas représenter l'être humain dans son intégralité, c'est seulement un instrument d'explicitation du comportement individuel dans une conversation à objectif. Cependant, même ainsi, par rapport à une interprétation mécaniste, il s'agit d'un anti-modèle, puisqu'il ne suppose aucune cohérence logique des contenus individuels des différents niveaux ni même à l'intérieur d'un niveau donné (sauf le niveau 2 des projets rationnels), à l'instant ni en évolution dans le temps. D'ailleurs selon quelle logique, ou plutôt selon quel système de valeurs pourrait-on en juger ?

Pour conclure. Sur ce blog, nous appelons à la création de sociétés virtuelles. Nous espérons que notre travail en aura rapproché la réalisation.