Merci par avance de votre indulgence, et si ce n'est déjà fait, de bien vouloir relire auparavant le premier billet sur le même sujet.

Car nous pénétrons un territoire mental peu fréquenté ces derniers temps dans l'histoire humaine...

Pour parler vraiment avec les autres, il faut apprendre à leur parler de soi et à ne pas leur parler de soi. Tous les professionnels de la parole le savent. La difficulté naturelle traduite par ce paradoxe existe dans toutes les cultures, y compris les moins individualistes. Ainsi, on peut se parler pendant des heures sans rien se dire, c'est d'ailleurs la plupart du temps ainsi, pour des milliers de raisons propres à chaque culture. Dans un autre registre, l'art des trafiquants de la parole pour gruger leurs interlocuteurs repose sur un déséquilibre contrôlé des termes du paradoxe, très souvent au centre de leur maneuvre.

Voyons comment construire les éléments d'une étiquette à la hauteur de ce paradoxe, dans le cadre de référence présenté dans le premier billet sur le même sujet.

Le format d'un billet oblige à une effroyable simplicité. Tant mieux.

Mettons-nous donc dans la tête d'un participant en train de concevoir la rédaction de sa prochaine intervention, dans le cours des interactions de la conversation.

Je peux si nécessaire commencer mon intervention par la communication d'un niveau de ''quant à moi'". Je le fais par une couleur d'annonce.

TREFLE.JPG Trèfle. Mes traits culturels de comportement, auxquels j'ajoute mon interprétation de l'étiquette commune d'interaction (ce qui me permet de m'exprimer pendant l'élaboration de l'étiquette elle-même et ensuite sur son respect)


CARREAU.JPG Carreau. Mes projets en cours, mes activités planifiées personnelles dans ma vie



COEUR.JPG Coeur. Mes construits mentaux, théories, croyances, le sens que je donne à certains mots (tout cela peut-être avec incohérences et approximations)


PIQUE.JPG Pique. Mon jardin secret, je ne sais pas vraiment ce qu'il y a dedans, mais je sais dire quand on le piétine, et on ne touche pas !


Toujours, je donne un signal d'intention :

Proposition.jpg Je fais une proposition, une déclaration



Accord.jpg J'exprime un accord



Desaccord.jpg J'exprime un désaccord



Developpe.jpg Je souhaite un développement, une comparaison




Pause.jpg j'exprime un refus, je demande une pause


...

Ensuite, je dis sur quoi ou qui porte mon intention, par une suite de références (en cliquant sur des tableaux ou listes, je n'ai pas à taper les références ci-dessous et inversement le contenu de ces références s'affiche automatiquement en popup) :

$ numéro ou alias : un participant (si je ne précise pas, c'est moi)

~ numéro : le thème de conversation portant ce numéro dans le répertoire des thèmes communs ou le répertoire des propositions d'un participant (alors j'ajoute le $ du participant)

{ numéro : la règle de politesse portant ce numéro dans le répertoire des règles de politesse d'interaction dans l'étiquette commune

\> numéro : la règle de cheminement portant ce numéro dans le répertoire des règles de cheminement entre les thèmes dans l'étiquette commune

\# un élément extérieur (url par exemple)

Je peux insérer du texte, par exemple lorsque je détaille une proposition. Après un signal d'intention négative, je peux enchaîner une proposition dans mon intervention.

C'est simple, non ? On peut enfin dire poliment que l'on propose de revenir à un thème précédent, que l'on est profondément vexé et que l'on se retire, et on n'a plus à répéter 100 fois la même proposition pour qu'elle soit entendue.

Evidemment, l'étendue et la nature des règles de politesse dépendent principalement du contexte et de l'objectif. Dans notre proposition, on aligne tous les participants sur une seule description à quatre niveaux générique. Il est clair qu'on peut avoir plus d'imagination et définir plus précisément ces niveaux en rapport avec un objectif donné, surtout si les protagonistes interagissent dans un contexte étroit. Attention, cependant de ne pas particulariser des types de participants. Le fait que les protagonistes aient des intérêts et des priorités différentes (niveau 3) n'en fait pas des êtres étrangers les uns aux autres dans la conversation, sinon la définition de l'objectif commun de cette conversation est par avance compromise (ceci est une évidence pour tout diplomate expérimenté...). En effet, le principe égalitaire de la conversation n'implique évidemment pas l'identité des personnes, mais seulement l'égalité d'application des règles convenues entre eux.

En parallèle, les règles de cheminement peuvent être plus ou moins fournies; elles dépendent principalement de l'objectif et des thèmes (voir l'exemple de la discussion entre un acheteur et un vendeur de bien industriel, billet "Pas de dialogue sans étiquette !"). Notons que même dans notre proposition minimaliste, il est facile d'exprimer le refus devant une insistance gênante sur un thème.

Ce que nous avons esquissé avec nos moyens du bord, mais du fait de la généralité du cadre de référence choisi et malgré toutes les imperfections, est néanmoins un projet d'étiquette-mère universelle. Ce qui signifie : il appartient à chaque communauté d'élaborer l'étiquette qui convient, à partir de cette étiquette-mère-ci... ou d'une autre.

Faisons un rêve : dans quelques années, tous les engins informatiques personnels auront un clavier étendu de "caractères d'étiquette" ou offriront son équivalent via un tableau de sélection affiché par leur système d'exploitation. Et des professionnels plus doués en ergonomie que les auteurs de ce billet s'intéresseront enfin à l'interface d'humain à humain, et des chercheurs compétents (tandis que leurs collègues disputeront de mille microthèses) expérimenteront des étiquettes d'interaction sociale et enfin des ingénieurs imagineront comment les réaliser simplement (notamment en trouvant comment, à l'intérieur des conversations sur le Web, dépasser la contrainte "universelle" paralysante des liens URL univoques non datés et rigidement typés), et tout ceci circulairement....

Sinon : rien.