1/ Spéculations scientistes contre vraies priorités

Des personnalités, astronautes, physiciens prix Nobel, etc. nous disent, en réponse aux questions des journalistes ou à cette occasion, que les découvertes scientifiques des 50 ans à venir nous ouvriront des possibilités actuellement impensables, mais dont ils savent pourtant nous donner un avant goût. Typiquement, il s'agit d'une colonisation de l'espace, de super calculateurs, de la prolongation de la vie en bonne santé ou d'autres merveilles.

La réalité demeure que les "grandes" découvertes scientifiques ont toujours eu pour effet de renforcer l'empreinte de l'espèce humaine sur la planète et encore auparavant, d'augmenter la variété et la puissance des arsenaux destinés aux guerres entre les humains. Il est donc à craindre que les spéculations enthousiastes à propos de découvertes futures ne relèvent, dans le meilleur des cas, de la mauvaise science-fiction, celle des rêveries ramollissantes.

Nous avons d'urgence besoin de découvertes dans deux domaines de recherche :

  • comment maîtriser la connerie, plus précisément celle des sociétés humaines
  • comment réduire la nuisance de l'espèce humaine sur notre planète.

Il existe dès maintenant des solutions. Elles sont soit plutôt désagréables à envisager (genre empire mondial, restriction autoritaire des naissances, affectation de chacun à un destin laborieux, etc.), soit très dépendantes d'un progrès préalable dans le premier domaine (par exemple, l'agroécologie ne se répandra pas sans un sursaut d'intelligence collective, ou après un cataclysme pédagogique).

Justement, dans ce blog, notre espoir est d'ouvrir un champ de solutions concernant le premier domaine...

2/ Contre sens de la société binaire démocratique moderne

Dans un billet antérieur, nous avons caractérisé sommairement la tendance binaire de notre société d'opulence.

Vic_b.jpg C'est une société de décantation au long d'une échelle de mesure unique, graduée en niveaux de pouvoir financier. En l'absence de tout apport extérieur, ce système serait animé seulement par des accidents ou du fait des imperfections de son mécanisme séparateur. La reproduction des "élites" fortunées de génération en génération n'est plus une thèse, mais un mode de gouvernance. Les fondations d'équité sociale minimale, péniblement établies dans plusieurs pays à la suite de souffrances et de révoltes (sécurité sociale, bourses aux étudiants, salaire minimum, assurance vieillesse,...), sont minées par le contre sens des complexités calculatoires selon les mérites de chaque cas individuel, et rognées dès lors qu'un modèle comptable faussement universel assimile leur besoin de financement à une charge de dépense comme les autres.

Concernant nos gouvernements, l'actualité nous montre à répétition le mensonge à nous-mêmes qu'est devenue la démocratie représentative et la vanité des processus électoraux dans nos sociétés stratifiées puisque nous élisons toujours les mêmes, leurs familles et leurs affidés. On constate partout dans les démocraties rondelettes, à l'échelle des nations comme à l'intérieur de groupes plus restreints, à quel point l'expression "élection démocratique" recouvre une trahison de la démocratie. En l'absence de débat sur les finalités, c'est évidemment toujours la force brute qui gagne - c'est à dire le pouvoir de l'argent et la violence de la tromperie -, surtout ces derniers temps par l'instrumentation des medias et le perfectionnement des techniques de communication - que l'on appelait autrefois réclame et propagande. La multiplication des enquêtes d'opinion destinées aux puissants, ou plutôt les sournoises manipulations qu'elles recouvrent, est le signe de l'isolement de la classe supérieure, mais aussi de la requalification des électeurs comme simples consommateurs de démocratie.

Dans nos vieux pays d'Europe, la contestation des politiques de soumission aveugle aux dogmes comptables est devenue inaudible à l'intérieur des instances représentatives; les manifestations bruyantes sur la place publique et les actes d'extrême démonstrativité sont les seuls à intéresser les employés intermittents du spectacle et leur clientèle excitée de zombies crétinisés. De toute façon, chacun ne pense qu'à s'en tirer au mieux pour son propre compte : "avec mon réseau de connaissances et comme je suis malin et sympa, j'aurai des trucs pour détourner le système à mon profit personnel"... Pauvre société démocratique, que celle du fric, des gueulards et des petits malins. En conséquence, il semble de moins en moins abusif que tant de régimes oligarchiques, mafieux, ou carrément dictatoriaux puissent se prétendre démocratiques, tandis que le niveau de gâchis intellectuel de nos instances et administrations centrales est devenu tel que l'on ferait une belle économie en les faisant remplacer toutes par un seul cabinet comptable de quelques dizaines de personnes, avec l'effet secondaire d'annuler la fréquence des changements de réglementations incohérentes subies par la population et d'arrêter les singeries de la gestion indicielle, comme s'il suffisait de bouger quelques leviers de commande au sommet pour "gérer" une nation. Le vide de finalités, mal dissimulé par l'abondance de discours creux bourrés de référence à nos "valeurs", deviendrait alors insupportable.

Moutonss.jpg Et quelle minable image de la société de la connaissance que celle de millions de moutons connectés à Internet, bénéficiant d'un libre accès à "tout le savoir du monde", mais tétanisés par d'incessantes incitations pusillanimes, maintenus dans l'incapacité de maîtriser collectivement un monde virtuel qui pourrait d'une quelconque manière représenter une alternative au "système".

Dans les 50 ans à venir, ce "système"' de la domination humaine est foutu, tout le monde le sait, du simple fait que son autonomie est une simplification obscène, que ce "système" dévore gratuitement les autres espèces et la planète, tout en prétendant un jour doctement valoriser l'irrécupérable et les disparitions qu'il aura provoquées. Nos modèle économiques de croIssance muteront peut-être en modèles économiques de rationnement. Peu importe. Tous ces modèles sont des modèles de guerre contre la planète et contre nous-mêmes; ils nous conduiront à une régression de civilisation, puis à une forme d'esclavage, immanquablement, mécaniquement, par le seul jeu de forces physiques et sociales qu'ils sont incapables de représenter. Vous préférez sans doute lire les discours humanistes étalés sur de belles pages par des professeurs bien rémunérés. Nous aussi. Mais trop souvent l'humanisme sert de justification au commerce criminel des destructeurs de la planète et décore le mépris de nos semblables que nous estimons indignes du progrès humain ou inaptes à l'appréciation des avantages que nous nous réservons.

Nous devons constater que dès à présent, nos "valeurs" ne valent déjà plus un clou. C'est donc en rapport au pire à venir qu'il faut raisonner maintenant, pour tenter d'y échapper.

Il n'est pourtant pas bien difficile d'imaginer comment nous extraire de l'actuel "système" mortifère et nécrosé ! Il suffit d'oublier les discussions de salon, les théories épuisées, les rêves publicitaires...

3/ Analogie quantique d'une révolution sociale

Par exemple, inspirons-nous d'une analogie quantique, par l'introduction volontaire et maîtrisée du hasard et l'acceptation de la non linéarité, dans au moins trois domaines cruciaux étroitement reliés :

  • le gouvernement "démocratique"
  • la carrière "professionnelle"
  • la formation de base et l'apprentissage

Comme finalités premières, prenons simplement l'insertion des gouvernants dans la société et la capitalisation continue des compétences individuelles et collectives. C'est tout de même ambitieux, car ce sont des finalités fondamentales d'une vraie démocratie, si l'on transpose à notre époque l'expérience d'origine (Solon, Grèce antique). Remarquez au passage l'absence des mots "valeur" et "gestion", merci. Et maintenant, nous allons bien sagement dynamiter par la pensée une grande partie de nos dogmes et institutions pour une vraie révolution - pas seulement pour un changement du personnel de direction et du discours majoritaire comme dans les révolutions traditionnelles.

Principes d'un gouvernement démocratique quantique

  • Election d'une partie significative (par exemple, au moins les 4/5ème) des gouvernants exécutifs et des corps législatifs par tirage au sort dans la population ayant réussi un examen probatoire de formation de base (équivalente au BEPC ou au certificat d'études d'autrefois, à savoir lire écrire compter et suivre un raisonnement)
  • Apprentissage préalable d'une année avec examen probatoire final pour chaque élu avant son entrée en fonction, possibilité de renonciation avant ou en cours de la période d'apprentissage
  • Tutorat de chaque élu par au moins 3 ex élus pendant son apprentissage puis pendant sa période en fonction, tutorat consacré exclusivement à la transmission de compétences concernant le mode de vie d'élu responsable et l'aide à la résolution de difficultés pratiques
  • Aucun mandat renouvelable et jamais de cumul de mandats dans diverses instances

NB. La mise en pratique de ces principes sera moins coûteuse et plus rationnelle que l'actuelle pseudo formation a priori et à n'importe quoi, par des écoles et universités élitistes, de la masse des adolescents issus de familles favorisées, prédestinés à se partager ensuite tous les postes dirigeants et carrières financièrement prestigieuses, partout et à vie, avec l'apport de quelques arrivistes tarés, pour finalement se mettre tous aux ordres rémunérés de lobbies de puissances financières obtuses, par veulerie ou par conviction mais surtout par incompétence crasse et par indifférence cultivée au monde des poussières d'âmes qui puent la sueur, qu'ils ont appris à traiter par des statistiques et des analyses factorielles, tandis que l'annuaire de leur propre petit monde tient dans un seul gros livre. Par ailleurs, on économisera évidemment toutes les dépenses des campagnes électorales, et on s'allègera des amas de mensonges et de sottises proférés dans ces occasions.

Principes de carrière professionnelle quantique

  • Formation de base suivie d'un examen probatoire
  • Pas plus de 5 ans dans une entreprise ou une organisation donnée, mais au moins 1 an
  • Tirage au sort de la destination suivante (parmi les postes libérables ou nouveaux offerts en entreprises ou organisations, dans l'administration, dans l'artisanat et les services, à tous niveaux hiérarchiques, dont les postes de gouvernants et des corps législatifs)
  • Apprentissage avant chaque poste, de durée adaptée selon la nature du poste à tenir et le bagage du postulant, tutorat avant et pendant chaque poste, possibilité limitée de désistement, possibilité d'affectation en tant qu'enseignant d'apprentissage pendant 1 an,...
  • Niveau de rémunération de base confortable et identique partout en mode quantique
  • Possibilité d'abandon du mode quantique, obligatoire en début de carrière, pour une carrière traditionnelle après 5 postes, par exemple en vue d'atteindre l'excellence dans un métier ou un art choisi

NB. Une carrière quantique se distinguera du type de carrière actuel dans une armée ou dans une congrégation religieuse par deux éléments importants : l'absence de "rationalisation" de carrière (dont on économise l'administration), et en conséquence une "progression" de carrière par l'accroissement personnel de compétences et la contribution à la capitalisation collective de ces compétences plutôt que par le niveau hiérarchique atteint à la fin d'une carrière individuelle. Il va de soi qu'il devra exister un instrument d'échange et de capitalisation des compétences entre les personnes en carrières quantiques (et les autres), en plus de diverses formules d'apprentissage et de tutorat à distance, ainsi qu'une logistique adaptée notamment pour le logement des "quantiques"... Les conséquences sur l'évolution, par rapport à l'état présent, du fonctionnement d'une entreprise ou d'une organisation peuplée d'une proportion importante de "quantiques" seront considérables, pas au plan de la discipline et la hiérarchie, mais par les possibilités de développement par projets en parallèle du fonctionnement traditionnel, en fonction des compétences disponibles. Evidemment, il faudra accepter qu'"être chef" peut être un métier provisoire qui s'apprend comme un autre, avec sa discipline et ses méthodes précises en fonction de tâches définies dans chaque contexte pratique.

4/ Et maintenant, que faire ?

Nos experts du court terme proclament : "compétitivité", "flexibilité", "dynamisme des carrières", "valorisation des compétences", "croîssance", "liberté individuelle", "développement personnel", "respect de la personne humaine", "utilité sociale", "société juste", "révolution citoyenne"... ? Notre esquisse "quantique" soustend évidemment d'autres définitions de ces termes que leurs belles définitions livresques, mais certainement pas moins précises en regard de nos finalités choisies.

De toute façon, avec ou sans vraie révolution de type quantique, les décisions à prendre pour arrêter la dégradation de la planète et la glissade vers une période d'extermination partielle obligeraient certainement à faire évoluer nos "valeurs" encore plus, et encore plus vite. Autrement dit, nous sommes mentalement accrochés à de mauvais points fixes, et de plus, ces points ne sont pas fixes. Nous pouvons donc jeter à la poubelle une masse de fadaises, et arrêter d'écouter ou de lire les productions carcérales générées par les automatismes ancrés sur ces points fixes. Autrement dit, il faut souhaiter que nos valeurs du futur naissent de nos finalités choisies, qui seront provisoires, et que nous ne resterons pas cramponnés à des valeurs historiques dont on peut constater la péremption et, pour certaines d'entre elles, l'égarement du sens et la nocivité depuis plusieurs décennies.

Mouette.JPG Terminons par quelques considérations sur la facilité d'une transition vers une révolution quantique. En effet, ce que nous décrivons comme une carrière quantique ressemble fortement, pour des jeunes, à un service civil obligatoire, que chacun pourrait choisir de continuer ou non, pour une carrière analogue à celle d'un consultant de terrain. Ce que nous décrivons très sommairement concernant les instances gouvernementales quantiques, pourrait se réaliser dans un premier temps par la création d'une chambre supplémentaire ou plutôt par la reconversion d'une des chambres des régimes bicaméristes, avec des conditions de réussite qui dépendraient alors largement du contexte et de l'histoire. Mais ce serait déjà un premier pas et peut-être un acte préliminaire indispensable que de fonder l'institutionnalisation et la publicité des sondages d'opinion, avec une délimitation du champ et de la nature des questions ainsi que la définition d'exigences sur les méthodes d'échantillonnage et d'estimation. L'emploi de réseaux numériques pour des consultations populaires serait en revanche purement instrumental.

Il demeure qu'aucun ferment de révolution sociale "quantique", aucun bouleversement majeur dans ce sens, n'aura d'effet en l'absence des finalités qui le porteront. Au contraire, une révolution chaotique ouvrirait comme d'habitude sur une forme d'oppression et de terreur.

Notez que les mots "responsabilité, "république" et "bonheur" n'ont jamais été cités dans ce billet. Il ne s'agissait pourtant que de cela, et, bien entendu, de notre dada, à savoir le projet d'un Web alternatif pour la transmission des compétences. Ce qui nécessite la création de sociétés virtuelles spécialement constituées pour nous affranchir de réflexes sociaux hérités du fond des âges et nous libérer d'une pseudo culture dominée par un romantisme animal de quatre sous (en monnaie locale), même et surtout lorsqu'elle est habillée de scientificité.