Les Visiteurs du Soir, en anglais The Devil's Envoys, est un film fantastique moyen-âgeux de Marcel Carné sorti en 1942 pendant l'occupation allemande.

Les visiteurs du soir, ce sont les troubadours qui arrivent à la cour enjouée d'un baron châtelain pour demander son hospitalité. Ce baron va marier sa fille à un autre noble des environs. Mais les troubadours sont deux séducteurs, un homme et une femme, plus un personnage qui est le diable...

Le film raconte la machination diabolique, le jeu des séductions croisées et des jalousies, l'éclatement de la haine, le duel à mort des deux nobles chevaliers en grande pompe devant leur cour au complet, la fuite du baron avec la troubadour séductrice, etc. En revanche, le diable échoue face à l'amour pur qui s'est déclaré entre le troubadour et la fille du baron. La dernière scéne montre le diable fouettant avec rage le couple qu'il vient de prétrifier mais dont il croit entendre encore battre les coeurs.

Si seule la pure passion peut résister au diable, il n'est pas étonnant que la censure de l'époque ait autorisé la parution du film.

Le film ne comprend pas d'effets spéciaux au sens actuel, en tous cas pas de gouffre infernal ni d'apparition démoniaque, mais la reconstitution historique apporte son lot d'étrangetés et de jolies barbaries. Les suggestions infernales sont présentes dans les images, le diable est parfois menaçant en paroles, et périodiquement, une ronde d'enfants vient perturber les personnages par des comptines piquantes.

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A présent, on peut voir ce film célèbre de divers points de vue, pas seulement au plan de la forme mais surtout sur le fond.

Conformément sans doute à l'idée du scénario d'origine, si l'on admet que les personnages sont des victimes manipulées par les visiteurs du soir, alors le diable est le maître du jeu, le seul à développer un projet (en l'occurrence un projet de destruction). Il est de fait l'unique personnage puique les autres sont réduits à l'état de pantins. On ne peut pas croire à son échec final. Peu importe d'ailleurs. Car alors ce film ne nous dit plus rien.

A l'inverse, nous pouvons choisir de voir ce film comme le déploiement d'une révélation sadique. C'est alors la mécanique humaine de la pesanteur sociale, mais aussi l'engrenage des sentiments naturels et des passions libérées qui nous sont décrits. Le diable, dans cette affaire, ne sert pas à grand chose au-delà d'un rôle d'entremetteur cabotin et de quelques suggestions infernales pour le décor. Attention aux chocs sur notre petit confort mental dans notre société machinale, nous n'éviterons pas les étincelles des rapprochements avec telles ou telles péripéties de nos propres existences !

Notre grand écran TNT, notre box Internet, notre portable à tout faire... sont-ils nos visiteurs du soir ?