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mardi 24 février 2015

Techniques démocratiques

Le livre de Jacques Testard, Comment les citoyens peuvent décider du bien commun (Seuil, 2015), est pour moitié digne de son titre - ce qui est extraordinaire pour une telle ambition !

En plus, ce livre peut servir de contre poison aux émanations du monde politique à la House of Cards. En effet, dans la série House of Cards, le peuple des citoyens n'apparaît qu'en masses manipulables par les medias, ou au travers de représentants issus de divers modes de délégation. Cette simplification est habituelle dans tout spectacle, dont la scène se limite par construction aux dimensions physiques strictement nécessaires à la représentation de quelques personnages. Cette simplification habituelle est entretenue dans la vie réelle par la pratique des proclamations de résultats de sondages censés reproduire les avis et pensées instantanés de chaque catégorie de la population, en fonction de questions adroitement formulées par des enquêteurs. Cette simplification habituelle est ou devrait être depuis longtemps obsolète, du fait de l'utilisation du Web convenablement adapté et spécifiquement conçu comme moyen d'expression directe et vecteur des contributions personnelles des citoyens. Nous y reviendrons.

humacit.jpg La première moitié de l'ouvrage est consacrée à la dénonciation de certaines insuffisances des assemblées de représentants élus. Cette dénonciation est d'autant plus pertinente que surgissent des menaces sur la survie de nos modèles sociaux et même sur notre survie tout court, dont le traitement exige une forte réactivité, l'indépendance de jugement, la liberté d'approfondir des dossiers complexes. Les questions de société posées par l'usage des nouvelles technologies dans tous les domaines, à commencer par les sciences de la vie en association avec l'informatique ne peuvent pas être correctement traitées par des assemblées d'élus dont ce n'est pas la vocation. Cette carence devient encore plus évidente face à l'urgence d'engager rapidement des changements progressifs et coordonnés de nos modes de vie et de nos méthodes d'exploitations agricoles et industrielles pour arrêter la dégradation de la planète.

La deuxième partie de l'ouvrage expose des solutions pratiques. Elle appelle de notre part quelques critiques que nous espérons constructives, parfois au-delà des intentions de cet ouvrage très stimulant.

Le cadre des solutions proposées par l'auteur, notamment pour statuer sur l'usage des nouvelles technologies, c'est la conférence de citoyens, constituée spécifiquement pour chaque ensemble de questions à traiter, par tirage au sort. Il s'agit à chaque fois d'une toute petite assemblée, de 15 à 20 personnes, conduite par un facilitateur. Les participants ne sont pas rémunérés au-delà du remboursement de leurs frais. L'implication personnelle dans la recherche de l'intérêt commun suffit à motiver les participants à consacrer plusieurs week ends à une telle conférence. D'abord, ils se font présenter l'état de l'art et des connaissances par les experts reconnus, puis éventuellement par toutes les autres personnes souhaitées. Ensuite, ils élaborent des recommandations en vue de compléter ou modifier la législation.

Ce qui est enthousiasmant, c'est que, d'après l'auteur, la conférence citoyenne, cela marche même en France ! On est à chaque fois surpris par la motivation des participants, le sérieux de leur démarche, leur souci de l'intérêt général, la qualité des recommandations finales.

Malheureusement, il est bien connu que les recommandations finales des conférences citoyennes demeurent trop souvent sans suite, même lorsqu'elles ont été publiées. C'est que les vérités se reconstruisent au passage par certaines procédures officielles, que seuls les élus du peuple font les lois, et qu'ils sont très jaloux de cette prérogative, et que, par penchant naturel dans leur position, ils ont tendance à rejeter a priori toute idée exogène impliquant une limite ou une contrainte sur leur souveraineté dans quelque domaine que ce soit.

Cependant, même si le destin des recommandations produites par les conférences de citoyens était brillant, plusieurs points mériteraient un examen critique.

En premier, les recommandations d'une conférence de citoyens ne semblent pas surgir d'une élaboration interne, mais au moins dans leur expression, résulter d'un choix des participants parmi des éléments préparés pour exprimer divers points de vue contradictoires préalablement recensés. Alors, qu'on le veuille ou non, la seule différence avec une opération de manipulation, c'est la publication des raisons des choix, or il est rare que ces raisons soient reprises dans les synthèses et les communiqués ! En second, le très faible effectif de la conférence de citoyens, certes justifié par la contrainte logistique des réunions, demeure sans doute le principal argument justificatif sous-jacent de l'attitude méprisante des représentants élus.

En effet, sur le fond, comment prétendre qu'une conférence de 15 à 20 citoyens tirés au sort dans toute la population puisse faire mieux dans le sens de l'intérêt général (terme vague à géométrie variable) que, par exemple, un groupe du même nombre de diplômés bac + 5 tirés au sort ? Et si on fait travailler en parallèle plusieurs conférences citoyennes constituées à partir de catégories différentes de la population, sur quels critères et qui se donnera le droit d'interpréter les différences entre les recommandations finales des divers groupes ? Ou qui osera proclamer sans rire que tous les groupes obtiennent exactement les mêmes conclusions par les mêmes arguments ?

A la base de toute institution démocratique, on ne peut pas évacuer la question première de la "citoyenneté requise" des contributeurs potentiels à une assemblée citoyenne, afin que cette assemblée soit reconnue comme "le peuple" en regard de ce qu'elle doit produire. Raisonnablement et fondamentalement, ce qui est important au-delà de la citoyenneté légale, ce n'est pas la spécialisation personnelle ni le niveau supposé d'intelligence des participants, mais d'abord la diversité des expériences de la vie que l'on souhaite pouvoir consulter et faire contribuer à l'élaboration des propositions à construire, avec comme conséquence un plancher en nombre de participants et un mode de sélection dans la population. Evidemment, s'il s'agit d'organiser un grand jeu de rôles en vue d'une opération de communication ou en vue d'un épisode transitoire, comme proposé implicitement par d'autres auteurs, la définiition de la population et de la méthode de sélection ne méritent pas l'investissement intellectuel (et informatique) qui serait requis pour une organisation pérenne.

Globalement, il nous manque donc une réflexion sur le passage à l'échelle supérieure, à partir des pratiques mises en oeuvre dans les conférences de citoyens. Il ne suffit pas de suggérer la reconversion d'une assemblée d'élus en assemblée citoyenne constituée par tirage au sort : même si cette reconversion pouvait se réaliser d'un claquement de doigts, cette grande assemblée citoyenne existerait pour quoi faire et travaillerait comment ? Certainement pas en héritant des mêmes tâches et des mêmes procédures que l'assemblée d'origine ! Encore moins pour s'éclater en conférences citoyennes de 20 personnes en fonction des sujets à traiter !

En vue d'un changement d'échelle, certains termes à consonance technique sont à éviter, en particulier "panel" et "facilitateur". Au niveau des conférences de citoyens, analogues à des expériences reproductibles de laboratoire, leur emploi ne porte pas à conséquence. En revanche, pour passer à l'échelle d'une nation, ces termes-là, panel et facilitateur, sont des boulets particulièrement encombrants, des prétextes potentiels à des entreprises dénaturantes.

Précisons pourquoi cette dernière remarque n'est pas un détail.

Le mot "panel" véhicule une forte coloration marketing. Or, il est maladroit de laisser place à la moindre possibilité de confusion entre une assemblée citoyenne et un panel de consommateurs de la démocratie. Il serait grotesque de réduire l'assemblée citoyenne à une représentation consultative qui pourrait être placée sur le même plan que des programmes de sondages ou dont les propositions pourraient être soumises à des enquêtes d'opinion. Rappelons que ce qui caractérise une démocratie authentique, c'est la capacité autonome du peuple à définir son propre avenir - ce qui se traduit malheureusement dans les discours ampoulés par "la définition du bien commun", superbe formule fumeuse censée magnifier l'activité consistant à dégager des décisions pratiques et responsables, temporaires, peut-être minables en apparence mais réfléchies, cependant imposables à tous.... C'est que la recherche de la perfection, dans une démocratie authentique, se concentre dans la qualité des débats, pas dans les institutions elles-mêmes ni dans l'éclat des décisions. L'expérience historique prouve abondamment que la recherche de la perfection des institutions est un piège mortel de la démocratie, particulièrement si cette recherche consiste à préserver par replâtrages successifs un ensemble supposé optimal d'institutions héritées d'un passé glorieux. Par nature, dans une démocratie authentique, une assemblée citoyenne n'est rien d'autre qu'une instance du peuple décideur. Elle ne doit pas être envisagée comme un panel résultant d'une procédure d'échantillonnage au sein de la population, dont on pourrait contester les décisions au prétexte de son niveau de représentativité ou au prétexte d'un défaut de la procédure d'échantillonnage. Basiquement, la représentativité d'une assemblée citoyenne ou la représentativité des participants dans une telle assemblée ne peut pas, ne doit pas être une notion pertinente. Une assemblée citoyenne ne "représente" qu'elle même et chaque participant n'y représente personne que lui-même, c'est d'ailleurs exactement ce qu'on en attend. Une assemblée citoyenne est le peuple tout simplement, ou alors ce n'est pas une assemblée citoyenne... Cependant, afin d'assurer la qualité du débat démocratique, plusieurs conditions préalables sont à considérer, dont l'existence d'une réponse communément acceptée à la question première de la citoyenneté requise en regard des productions attendues de chaque assemblée citoyenne - bien avant le choix de la méthode de tirage au sort permettant d'assurer la participation d'un maximum de citoyens au fil des tirages successifs. La satisfaction de cette condition première peut nécessiter une connaissance assez détaillée et instrumentée de la population, certes selon des critères et dans un but différents de ceux du marketing, mais sans nier la similarité de certains procédés techniques. D'où une tentation permanente d'assimilation au panel, dont il faut connaître le danger.

Le terme "facilitateur" est générique pour désigner l'animateur d'un groupe d'association des cerveaux, par exemple en recherche d'innovations, d'améliorations du service aux clients d'une entreprise, etc. Ce terme de facilitateur est inadapté au contexte d'une assemblée citoyenne. Une assemblée citoyenne a besoin d'un président au plein sens du terme (éventuellement à plusieurs têtes) afin que les travaux et les débats soient conduits selon des règles et une étiquette spécifiques. La fonction de président d'une assemblée citoyenne est une fonction républicaine qui ne peut entrer dans un autre cadre, par exemple, celui d'une prestation d'animation par un psychosociologue - ce qui ne veut pas dire que le président doit manquer de psychologie et ne rien connaître aux réalités sociales ! Voir par exemple ce billet du blog.

Douzecolere.jpg Le célèbre film "Douze hommes en colère" (Sydney Lumet, 1957) relate le retournement sensationnel d'un jury d'assises. Ce film mériterait une analyse critique nouvelle, à la hauteur des interrogations qu'il devrait actuellement susciter dans toute réflexion sur l'amélioration des fonctionnements démocratiques, en parallèle d'une analyse historique des défauts des démocraties en regard des problèmes de notre temps. Le scénario est celui d'un triple miracle. Premier miracle : l'imposition de la discipline de conscience de l'un des jurés à tous les autres. Deuxième miracle : l'intelligence dans l’adaptation des questionnements aux diverses personnalités des autres jurés. Troisième miracle : le réveil progressif de ces autres jurés jusqu'à l'unanimité en sens contraire de l'opinion majoritaire initiale. L’invraisemblance de ce triple miracle dans le film nous renvoie constamment au terrifiant spectacle de l'intermittence de notre humanité. Mais évidemment, le débat du jury des "douze hommes en colère" est le contre exemple poignant de ce que devrait être un débat ordinaire dans une assemblée citoyenne ! Aussi, il est désespérant que des ouvrages à prétention savante se raccrochent encore à un modèle de jury pour envisager une forme moderne de démocratie directe, ou pire, ne s'intéressent même pas à la discipline du débat démocratique, relèguant ce sujet dans les ténèbres des arts et techniques. Poussons la cruauté jusqu'à l'extrême : quelle est la pertinence actuelle des puissantes dissertations dont s'entretenaient nos grand intellectuels des sciences humaines en 1957 ? Faute d'oser concevoir comment nos sociétés pourraient évoluer sans conversion révolutionnaire préalable pour se rendre capables de s'accorder sur des institutions planétaires, faute de rechercher humblement en tant qu'être humain comment utiliser l'expérience du passé et les opportunités du présent pour développer nos libertés pratiques face aux urgences à venir et aux limites physiques qui vont s'imposer à l'humanité différemment selon les pays, nous n'en sommes encore qu'à des expérimentations ponctuelles et locales de "démocratie directe" plus ou moins authentiques, sans perspective réelle d'insertion dans la vie politique courante, encore moins dans les nouveaux espaces pourtant réputés universels du Web. Individuellement, il nous est pourtant certainement moins difficile de nous astreindre à une discipline de débat démocratique adaptée à notre époque que, par exemple, de nous arrêter de fumer...

Enfin, on ne peut ignorer les potentialités du Web pour l'extension numérique et qualitative des contributions citoyennes - potentialités que seule une discipline d'emploi adaptée pourra développer, car rien n'est donné par avance ! Nous devons affronter pour de bon la question de la citoyenneté directe en vraie grandeur à notre époque, inventer une perspective réaliste de contribution active et responsable de chacun face aux grandes questions de survie et d'évolution urgente de nos sociétés... Ce programme devrait s'imposer comme une évidence dans toute réflexion contemporaine soucieuse de l'avenir.

lundi 3 septembre 2012

Le Web de la propagande et du formatage

La bête immonde reste bien planquée, mais ses mercenaires stupides ne se retiennent plus d'étaler leur fierté.

Ce qui est nouveau, c'est la revendication de leur diplôme d'apprenti sorcier par des bénéficiaires que l'on aurait cru moins naïfs.

Dans un élan de franchise, dont le niveau de grossièreté mesure la sincérité, un grand parti politique impliqué dans la course à la présidence de notre univers vient de révéler la contribution à sa campagne d'une officine spécialisée dans l'exploitation d'informations recueillies sur le Web.

Pour ce parti, il s'agirait de cibler les foyers susceptibles d'enrichir les fonds de campagne. Ne doutons pas une seconde que ce grand parti n'est pas isolé dans sa démarche d'appel à une officine mercenaire de ciblage. Ne doutons pas un dixième de seconde qu'il ne s'agit pas seulement de récolter des fonds (vite dépensés). mais d'abord d'orienter les thèmes de campagne, de les particulariser en fonction des réactions observées sur le Web de la population ciblée, et d'orchestrer tout le bastringue médiatique, presse, télévision, meetings, etc dans le sens voulu, en vue d'effets en profondeur sur l'opinion, qui seront ensuite entretenus et améliorés dans la durée.

Bref, nous avons la révélation d'une machine de guerre médiatique. Nous pressentons que cette guerre-là dégrade nos chères libertés d'information et libertés d'esprit, mais c'est une guerre, n'est-ce pas ? Notons bien que rien n'empêche l'extension du cadre de cette guerre au-delà d'un processus d'élection dans un régime démocratique.

Quand est-ce que de prudes et vaillants foyers se coaliseront en class action pour réclamer droit de regard, droit de rectification, respect de l'usage des informations les concernant ?

D'ici là, l'officine mercenaire aura changé plusieurs fois de nom et d'adresse (on peut lui conseiller la domiciliation de filiales croisées dans divers paradis fiscaux). Et des experts reconnus auront expliqué que non, braves gens, vous n'avez rien à craindre, car les ciblages ne sont pas réalisés à partir des données individuelles mais sur la base d'informations agrégées par des algorithmes statistiques.

Les experts ne diront pas que ces algorithmes statistiques sont cousins de ceux des moteurs de recherche, en fonctionnant à l'envers en quelque sorte. Ce n'est pourtant pas anodin.

Un gros malin manipulé pondra un virus qui fera pouet pouet exactement quand il faut sur tous les écrans, et le tour sera joué : voici l'ennemi véritable de notre intimité ! La presse abondera en articles sur la protection des données privées, des droits de la personne humaine, des brevets et du secret défense. Opération mains propres.

Voici la situation, en bref :

  • ce n'est plus (seulement) la publicité qui finance les grands services gratuits du Web, et d'ailleurs elle n'a jamais financé la création immensément coûteuse de ces services,
  • le grand marché du Web, c'est la fourniture des informations numérisées de nos comportements (qui consulte quoi, combien de fois et combien de temps, qui dit ou achète quoi à qui, quand, où, comment, etc.) pour exploitation par les manipulateurs médiatiques des pouvoirs dominants,
  • la révolution numérique, c'est celle de l'auto soumission de nos esprits à un matraquage multimédiatique ajusté en permanence, en fonction de nos propres aspirations exprimées sur le Web.

Exercice pour jeune journaliste ou pour étudiant en sciences politiques : rédigez une synthèse actualisée de Propaganda d'E. Bernays (1928) ! C'est une oeuvre glaçante mais fanatique, où sont exposées les techniques bien actuelles de propagande, ainsi que les éléments de doctrine qui les justifient et en ont alimenté l'invention. Pensez-vous que quiconque puisse nourrir le moindre doute sur l'utilisation par tout citoyen Bernays moderne des informations de comportement pompées sur le Web ? Pour quels bons motifs actualisés et quelles campagnes ?

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Dans le célèbre roman 1984 de G. Orwell publié juste après la deuxième guerre mondiale, apparaît le personnage de Big Brother, avec bien d'autres terrifiantes créations imaginaires. Notre réalité est bien différente. Par rapport au roman, nous n'avons pas de police officielle de la pensée, et les murs ne nous espionnent pas. Mais nous pourrions nous demander si, avec la révolution numérique, Big Brother aurait besoin de cette police et de ces espions pour se rendre maître de nos esprits. Car c'est volontairement que nous restons hypnotisés devant des miroirs magiques que nous croyons commander pour notre bon plaisir, pour y faire défiler des trésors virtuels préconditionnés en fonction des déformations agréables de nos propres images. Nous avons fait mieux que tous les romanciers, nous avons créé l'hybride de la liberté et de la mort, le dieu d'un monde d'automutilation où chacun se résume pour les autres à un miroir vaguement original d'hallucinations communes.

Vraiment, cette technologie n'a rien de merveilleux. Car, en plus de nous prendre un temps fou, elle coûte énormément d'argent et dévore une énergie gigantesque.

mercredi 3 août 2011

Du progrès en ergonomie ?

Les appareils de photographie numérique sont concurrencés par les téléphones portables. Les photographies prises par ces derniers sont considérées par beaucoup d'utilisateurs comme bien suffisantes en qualité, d'autant plus que leurs fichiers informatiques sont d'emblée adaptés à la publication telle quelle sur le Web.

Il existe probablement un autre argument au succès des portables : celui de la stagnation ergonomique des appareils de photo numérique.

J'utilise assez régulièrement deux appareils de photo numérique de générations différentes.

Mon premier appareil se distingue par son zoom optique facteur 10, son petit écran orientable... mais ses batteries rechargeables sont d'un modèle spécifique, heureusement que l'on trouve des batteries compatibles à moins de 15 euros sur le Web à la place des batteries d'origine 10 fois plus cher sur le marché libre.

Photo_appareil001.jpg Photo_appareil002.jpg

Mon second appareil est tout récent, tout numérique, tout plat, tout petit et poids plume, tout de même avec un zoom optique 3x.

Photo_appareil_neuf.jpg

A l'évidence, l'aspect du premier engin fait ringard en comparaison du nouveau. De loin, on le prend pour une caméra, à cause de son gros nez qui abrite son optique plus élaborée.

Mais, du point de vue de leur utilisation, les deux appareils sont très voisins :

  • - ils ont un mode automatique qui permet de tout faire, de la photo de paysage à la photo de fleur en détail
  • - ils nécessitent un minimum d'apprentissage pour la manipulation courante de boutons de fonctionnalités voisines
  • - ils utilisent l'écran pour des dialogues similaires de réglage de l'appariel ou de parcours des photos enregistrées.

Les différences sont ailleurs :

  • - le premier appareil dispose d'un plus grand nombre de boutons fonctionnels alors que le second concentre les fonctions sur et autour de quelques boutons
  • - un manuel papier complet est livré avec le premier, un manuel simplifié sur papier et un manuel complet sur cdrom avec le second
  • - un driver spécifique est nécessaire pour le premier sous Windows (mais pas sous Linux), alors que le second fonctionne avec un driver standard (sous XP et +) sans installer aucun des logiciels spécifiques livrés sur le cdrom
  • - 760 g contre 180 g
  • - photos à 180 dpi contre 72 dpi dans les modes courants, malgré seulement 3 mégapixels contre 14 mégapixels (mais qu'est-ce que cela peut bien signifier à l'échelle humaine ?)
  • - ...

Les questions d'un utilisateur "normal", alors que plus de 10 ans séparent les deux engins, seraient plutôt les suivantes :

  • - pourquoi les manuels sont-ils encore un mélange d'essentiel et d'accessoire, sans jamais fournir aucun exemple de photo numérique que l'on peut réaliser avec ces appareils ?
  • - pourquoi les informations techniques sont-elles de moins en moins explicites, même celles qui intéresseraient l'internaute utilisateur ?
  • - pourquoi, malgré l'augmentation des capacités de mémoire embarquables, ne peut-on pas consulter le manuel complet directement sur l'écran de l'appareil ?
  • - pourquoi n'existe-t-il aucune aide intégrée en cours d'utilisation, avec possibilité de choix de la profondeur de cette aide selon le niveau d'expertise ?
  • - pourquoi les questions d'ergonomie sont-elles traitées secondairement en rapport à des innovations technologiques (écran tactile, vision 3D, etc.) ?
  • - etc.

NON, je ne souhaite pas que mon appareil de photo numérique dispose un jour d'une liaison Internet, d'un GPS, d'un agenda, etc. C'est pourtant bien ce qui va se passer, fatalement, si la stagnation ergonomique persiste. Et alors, tout aussi fatalement surviendra l'évolution de l'appareil de photo numérique comme témoin rapporteur intelligent de nos exploits sur commande, mis en scène dans de sympathiques compétitions organisées à l'intérieur de réseaux sociaux par des clubs de tous bords.... A côté de ce futur-là, celui de Big Brother, c'était de la rigolade.

jeudi 7 juillet 2011

Nouvelles technologies pour glauques lendemains

Le parcours de la presse informatique et des sites web consacrés à l'informatique donne l'impression d'un bouillonnement.

En tant qu'utilisateur chevronné, on apprend vite à relativiser les annonces de révolution ou de progrès, sans nier l'amélioration des performances du matériel depuis 50 ans ni l'utilité de certains services à vocation encyclopédique.

Car les fournisseurs des matériels et des logiciels d'usage commun sont regroupés dans quelques quasi monopoles, depuis longtemps capables d'imposer leur musique et leur chanson.

Car Internet est devenu un réseau diffuseur de services centralisés vers des consommateurs plutôt qu'un réseau de communication entre des producteurs et des contributeurs.

Car la fabrication d'un logiciel est devenu un travail de professionnel prolétaire pour la réalisation d'un produit jetable très vite périmé techniquement, notamment du fait que sa remise à niveau impliquerait un démêlage des versions subtilement incompatibles des multiples composants des ateliers logiciels et des systèmes qui ont servi à le programmer.

Au total et de fait, l'utilisateur d'informatique est devenu un consommateur de services complètement passif, totalement étranger au modèle de l'utilisateur-programmeur-amateur des débuts de la microinformatique. D'ailleurs, les modèles économiques des téléphones portables intelligents et des ordinateurs personnels tendent à se confondre.

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Pourquoi ce manque d'enthousiasme devant l'innovation technologique en informatique ?

  • parce qu'il suffit d'observer un utilisateur de la dernière génération de portables pour ressentir à quel point le dialogue homme-machine et la définition de la finalité du produit constituent encore de véritables problèmes, malgré la "nouveauté"
  • parce que 9 innovations sur 10 dans le domaine des nouvelles technologies informatiques ne sont que des arguments marketing bidons ou des répétitions d'existants ou des productions fonctionnellement inutiles, souvent d'autant plus prétentieuses
  • parce que la capacité de création de sites Web personnels chez soi (ou à la rigueur chez son fournisseur d'accès) reste artificiellement réservée aux informaticiens et aux designers, alors que c'est la clé de la compréhension par chacun des technologies web, et une méthode de vaccination contre les faux arguments de dopage technologique
  • parce que la création sur le Web de vraies sociétés virtuelles, c'est un espace d'expansion sociale entièrement inexploré, mais hors de portée tant que nous restons les esclaves d'emballages marketing soumis à une exploitation statistique d'arrière plan destinée à nous alimenter de suggestions convenablement sucrées pour notre plus grand bien, en pensée comme en acte.

Et enfin, parce qu'il est évident que personne, depuis trop longtemps, ne se pose plus la question : à quoi cela sert dans l'intérêt général ?

Il n'y a plus que des affairistes et des pigeons ?

mercredi 6 juillet 2011

La presse informatique, rien que de la pub ?

Voici un lien vers le site d'un journal de technique informatique, peut-être le meilleur en Europe : http://www.heise.de/ct/

Ce journal est en allemand. Ce n'est pas un hasard. En Allemagne, il est possible et normal de faire carrière dans la technique et de devenir dirigeant d'entreprise en tant que technicien; c'est l'une des raisons de la solidité des PME familiales allemandes. On trouve dans ce journal des articles de fond sur les technologies informatiques, des réflexions prospectives, des critiques, toujours à base d'arguments techniques. Tout le domaine de l'informatique est couvert, de la puce électronique aux questions sociales.

Une presse d'informatique technique survit en France au travers de publications spécialisées de faible diffusion et de sites web dispersés, consacrés à certains langages informatiques, aux astuces de "pirates", aux variantes de Linux, etc.

En parallèle, les publications de grande diffusion restent à un niveau grand public, parfois même à la limite du publireportage.

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Pourquoi un organisme public, une université... n'éditerait pas un journal en français à partir de sa propre veille technologique sur tout le domaine de l'informatique, technique et social ?

La production d'un tel journal et sa diffusion numérique ne coûteraient pratiquement rien; c'est la matière grise qui ferait la valeur ajoutée.

Mais c'est aussi cette matière grise dont la rareté pourrait poser problème :

  • avons-nous encore les compétences pour réaliser un tel projet en langue française (autrement qu'en reproduisant une matière fabriquée ailleurs, avec 6 mois de retard) ?
  • osons-nous prétendre que l'informatique ne représente aucun enjeu particulier dans notre pays ?
  • osons-nous affirmer qu'un tel journal n'intéressera définitivement personne dans toute la communauté de langue française ?
  • ...

lundi 13 juin 2011

Réseaux sociaux pour quelles sociétés ?

Les sociétés virtuelles des réseaux sociaux sont les jouets technologiques d'une société affreusement réelle, une société dominée par le gaspillage, l'idolâtrie de la croïssance matérielle et la folie du pouvoir. D'ailleurs, le fonctionnement de ces réseaux sociaux provoque un gâchis énergétique considérable.

Jetez-vous sur la Postface page 241 du bouquin ci-dessous si vous le trouvez quelque part (NB. Le lien http://www.ippolita.net/ est mort et de toute façon la version téléchargeable ne contenait pas la Postface de mars 2011). Elle contient une analyse bien féroce des réseaux sociaux.

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A l'opposé, de vraies sociétés virtuelles seraient forcément des créations sociales innovantes et décentralisées.

Pour créer des sociétés virtuelles sur le Web, nous n'avons (presque) pas besoin de nouveaux outils, mais d'imagination, afin établir les fondations sociales, les règles de fonctionnement adaptées aux finalités de chaque nouvelle société virtuelle.

L'une des difficultés premières est celle du mode de dialogue entre les personnes dans le cadre de chaque société, pour ses finalités propres. Les nouvelles technologies, l'instantané, le spontané, ne sont pas toujours la solution pour instaurer un dialogue utile, même dans un cadre restreint à la famille, au voisinage, à une profession.... Ce sont de nouvelles formes de dialogues entre les personnes qu'il faut inventer, en tant que nouveaux modes de communication, après le langage des signes, la parole et l'écrit.

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Où sont les spécialistes des sciences humaines, les philosophes... capables de proposer une réflexion et d'expérimenter dans ce domaine des sociétés virtuelles ?

vendredi 10 juin 2011

Mon Internet accélère, mes neurones gèlent

"Mon Internet va plus vite" dit une publicité destinée à vanter un logiciel navigateur et un OS (Operating System) bien connus.

PlusVite

Tout usager du Web peut se rendre compte, après quelques années d'expériences avec différentes machines, que tous les OS se valent pour naviguer sur Internet. Les différences perceptibles entre les configurations viennent d'ailleurs, et en premier : la bande passante de l'abonnement chez le fournisseur d'accès, la rapidité de traitement des requêtes DNS puis des serveurs web consultés, éventuellement la charge d'un élément de réseau Internet en cas de surchauffe de trafic.... Bref, rien à voir avec le système local dès lors qu'il est relié au modem par une liaison cohérente avec la bande passante de l'abonnement. Et peu à voir avec le logiciel navigateur, sauf lorsque ce dernier doit afficher des sites de foire, particulièrement complexes et lourdement animés de gadgets de nouvelle technologie.

La publicité "Mon Internet va plus vite" représente donc au mieux un témoignage d'enthousiasme naïf, d'ailleurs elle ne dit même pas "plus vite" par rapport à quoi...

La plupart des slogans publicitaires associés aux "nouvelles" technologies ne sont pas seulement gentiment optimistes, ni même un peu mensongers, mais fondamentalement faux, décalés, hors sujet. Ils sont destinés à des ignorants que ces slogans maintiennent dans le confort mental d'un univers bidon.

L'association de prétentions naïves en apparence avec telle ou telle marque prestigieuse ringardise la contestation. Ces slogans ne sont pas anodins. Ils suscitent ou entretiennent l'addiction pour la magie technique et pour les merveilles que cette magie est censée nous procurer.

jeudi 9 juin 2011

Moteur de recherche à notre service ?

Pour que mon site personnel soit bien vu des moteurs de recherche, je dois respecter des règles expliquées dans des guides et documents (d'ailleurs passablement incohérents s'ils ont été rédigés à des époques légèrement différentes).

Et, si je me prends au sérieux, je vais acheter d'abord des conseils plus affutés et plus tard, plus cher encore, des listes astucieuses de mots clés sélectionnés en fonction des statistiques de requêtes, afin que mon site sorte automatiquement dans les premiers !

N'est-il pas étonnant que personne ne s'élève contre cette logique et ce commerce ? On pourrait pourtant y voir à la fois une atteinte à la liberté d'expression et l'instauration d'une sélection par la richesse.

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A l'inverse, un moteur de recherche, s'il était conçu comme un vrai service à l'usager, permettrait à cet usager de définir lui-même dans quelle mesure son site doit être indexé, et lui présenterait, pour ce faire, en temps réel, le résultat d'indexation de son site ainsi que des conseils sur les moyens d'en faire ressortir l'originalité.

Nous voyons bien que ce n'est pas de cela qu'il s'agit dans le Web actuel...

Mes données personnelles restent chez moi

Mes données personnelles numérisées représentent au total quelques gigaoctets, photographies incluses, et y compris des données prises à droite et à gauche "parce qu'elles pourraient servir un jour"....
Et les vidéos ? Je ne sais pas pour vous, mais moi j'ai constaté qu'elles s'usaient vite, que seuls certains extraits valent d'être conservés sous la main... Donc, à la fin, en faisant un examen critique régulier, le problème se réduit considérablement.
Les vidéos isolées, Je les archive sur dvd et je conserve le catalogue sous cathy, un logiciel simplissime (on le trouve sur le site Gratilog, voir Liens). Et mes dvd et cdrom achetés avec mes sous, j'en tiens la liste à jour dans un fichier bureautique, afin de les revendre ou les donner peu à peu.

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Pour les fichiers informatiques, J'utilise un classement personnel très simple, par projet, par étape de vie, par dossier à suivre, en créant des répertoires et sous-répertoires au moyen de la gestion des fichiers de mon système local Linux ou Windows. Bien évidemment, aucun classement hiérarchique ne peut répondre à tous les besoins à venir, mais avec un tel classement, surtout si on connaît approximativement la date de ce que l'on recherche, on peut tout retrouver, dans 9 cas sur 10, rien qu'avec le gestionnaire de fichiers..

Pour les autres cas, suite à diverses expérimentations, j'utilise des logiciels de recherche très simples qui n'exigent aucune préindexation - j'ai horreur des "services" qui accaparent ma machine justement au moment où j'en ai le plus besoin !
Par exemple, sous Windows, je n'utilise pas la recherche intégrée, trop clinquante et incontrôlable à mon goût, mais seulement deux logiciels trouvés sur Gratilog (voir Liens) : ultrasearch pour retrouver très rapidement des noms de fichiers ntfs, xsearch pour les autres cas.


La propagande incitant à tout stocker sur le Web, même en vrac, sous prétexte que les moteurs de recherche peuvent tout retrouver atteint des sommets de folie. Le dernier ordinateur portable que j'ai acquis était présenté, malgré la capacité géante de son disque dur local et malgré l'ultra puissant système d'exploitation installé, presque comme un simple client web dénué de capacités propres !

Pourtant, le gaspillage technologique et le gâchis énergétique d'une "solution de stockage tout Web" sont évidents. L'espionnage statistique de nos humbles activités individuelles par une puissante mécanique d'arrière plan est certain. Et la probabilité est élevée d'un vol à la sauvette de notre passé pour mieux déterminer notre avenir optimal dans l'harmonie définie par une propagande planétaire.

Donc, je ne renonce pas à mon classement local. Autrement, j'aurais l'impression de dissoudre mon esprit dans une machine à broyer. Vous verrez qu'un jour, cette machine nous expliquera qui nous sommes vraiment, scientifiquement. Et qu'elle nous fera payer pour connaître notre faux passé, en vue de mieux orienter notre avenir pour notre plus grand bien.

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